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Jacques Troalen
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Tea Pot

« Jacques Troalen transpose dans ses créations des préoccupations qui sont également celles d’un sculpteur et celles d’un designer ».

Argent contre chair. Une quarantaine de pavés de métal précieux composent un collier. Allant des plus petits aux plus grands, les galets d’argent sterling aux configurations irrégulières sont enfilés comme le seraient des perles ou des pierres.  Avec cet alignement, nous éprouvons la matière et ses miroitements. Les pleins et les vides égrènent et rythment cet assemblage. L’œil soupèse les densités. Il tente des équilibres. À échelle réduite, un nouvel horizon pour l’imaginaire est créé.

Le plus souvent géométriques, toujours très épurées, les formes privilégiées par Jacques Troalen s’affichent avec simplicité. Leurs  lignes semblent se placer au service des métaux précieux qui  « glissent » sur la peau.
Cônes, cylindre, cubes… Avec ses créations architecturées, Jacques Troalen se situe aux antipodes de l’orfèvrerie et de la joaillerie traditionnelle. Pourtant, leur élaboration fait appel aux techniques les plus exigeantes du travail des métaux précieux. Chez lui, tout est fait à la main selon des méthodes ancestrales. Il n’emploie jamais de moules. Il  ne travaille jamais à la cire perdue. Il délaisse les procédés d’emboutissage par presse de la même façon qu’il n’a jamais recours aux moyens mécaniques. Il est un des rares au Canada à travailler encore de cette façon. Idem en orfèvrerie. Toutes ses créations sont différentes. Les éléments de ses bagues ou de ses colliers sont construits l’un après l’autre pour être assemblés et ajustés au micron près.

Ce sont parfois des états d’esprit, des climats qu’il cherche à exprimer. Rien de froid ni de rigide. La géométrie n’exclut pas le sensible. Quelquefois, avec une fantaisie plus débridée, il s’inspire de la nature comme dans ses étonnantes salières et poivrières en formes de fleurs de  lotus. Jacques Troalen n’oublie pas non plus qu’une bague, un collier parant le corps doit aussi l’habiter. La sobriété de ses créations est comme remodelée par un côté organique et une sensualité qui transparaît,   quoique sans effusion. Ici toute débauche d’ornementation est proscrite. Chez Troalen, l’expression met en valeur l’opulence et la somptuosité des métaux  précieux, leurs qualités intrinsèques avec leur imaginaire d’or, d’argent, mais comme en contrepoint.
Il peut se contenter en guise d’effet d’un simple coup de poinçon pour rompre sur le fronton d’une bague la continuité des surfaces. Ce moyen discret crée un événement visuel subtil. L’élégance est produite par un procédé que l’on n’attendait pas. De la même façon, les surfaces ou les volumes sphériques affichent sans artifice leur éclat avec plénitude. Cette plastique fluide contraste parfois avec une affirmation plus rythmée qui scande la rotondité des volumes. Les angles droits serrés, qui sur certaines bagues par exemple servent de réceptacles aux pierres, s’opposent aux courbures.

Jacques Troalen transpose dans ses créations des préoccupations qui sont également celles d’un sculpteur et celles d’un designer. Une prédilection pour un certain brutalisme industriel, l’emprunt à l’univers de la mécanique ou de la technologie contraste avec originalité avec la noblesse de ces matières. Autant dans ses bijoux qu’en orfèvrerie, comme en témoigne cette cafetière en argent coiffée d’une poignée aussi sphérique en ébène ou ces pommeaux de canne sertis d’argent et de bois palissandre, Troalen aime aussi jouer des ruptures entre la chaleur du bois et le lustre de l’or ou de l’argent.

Cette liberté d’expression fait de lui l’un des meilleurs créateurs dans ce domaine au Canada.

René Viau critique d’art
Montréal, Québec, Canada
Mars 2009